Crane Walter

Né à Liverpool en 1845, Walter Crane travaille très jeune dans l’atelier de son père, portraitiste et

lithographe amateur. Dès 1857 et jusqu’en 1862 à Londres, il s’initie au dessin dans l’atelier de gravure sur bois

de W.J. Linton qui admire la précocité de son élève et lui confie ses premiers travaux.

À l’âge de 17 ans, Walter Crane commence une carrière indépendante de peintre et d’illustrateur et

dessine dans les dix années suivantes une cinquantaine de toy books pour les enfants (livres populaires, bon marché,

à très gros tirage, imprimés en couleur).

Il s’impose très vite grâce à deux petits chefs-d’œuvre, The Baby’s Opera et The Baby’s Bouquet, publiés

en 1877 et 1878, comme le principal acteur du renouveau du livre pour la jeunesse. Et il ne se passera plus

une année sans qu’il propose l’illustration exemplaire d’une grande œuvre littéraire : citons entre autres

Les Contes de Grimm, The Happy Prince d’Oscar Wilde, des pièces de Shakespeare, Don Quichotte, Les

Légendes du Roi Arthur…

Proche de William Morris, d’Edward Burne-Jones et de George Bernard Shaw, il s’engage politiquement

dans le socialisme européen, défendant en Angleterre la Commune de Paris. Persuadé que « l’art ne peut exister

dans un monde où la richesse est si inégalement distribuée », il cherche à concilier l’art et le socialisme en

l’introduisant dans les classes populaires et travaille lui-même à des objets décoratifs, des céramiques, des

papiers peints et des tapisseries. À partir de la fin des années 1880, il est avec Morris l’un des fers de lance

du mouvement Arts & Crafts.

Nommé dix ans plus tard directeur du Royal College of Art, il écrit pour ses étudiants plusieurs précieux

livres théoriques sur le design, l’illustration et sur les rapports entre le texte et l’image. Il meurt en 1915, après

une longue vie consacrée à la défense des arts décoratifs et du socialisme.

Walter Crane est influencé dès l’adolescence aussi bien par la pureté des lignes des vases grecs que par

les graveurs allemands de la Renaissance, Dürer en particulier. Maîtrisant très tôt toutes les contraintes de

la gravure, il va révolutionner le livre pour enfants de l’époque victorienne en fuyant l’académisme et en

imposant un dessin précis, une ligne claire à l’encre noire, en opposition aux dessins fouillés, au fort modelé

ou aux traits caricaturaux des illustrations prisées précédemment. Proche des peintres préraphaélites il est

comme bon nombre de ses contemporains inspiré par l’art de l’époque médiévale mais aussi par les estampes

japonaises, que l’Europe découvre à cette époque.

Il bénéficie des progrès de la chromoxylographie et de la complicité du remarquable graveur-imprimeur

Edmund Evans (le même qui imprimera les livres de Randolph Caldecott et de Kate Greenaway) pour proposer

des gammes de couleurs en aplats très travaillées, délicates et contrastées.

À la fois illustrateur et maquettiste, soucieux de considérer le livre et chacune de ses pages comme un

tout, il nous offre surtout un nouvel art de la mise en pages. Il cherche d’un livre à l’autre à créer un équilibre

entre la typographie (parfois manuelle) et l’illustration en incluant le plus harmonieusement possible le texte dans

l’image.

Les trois toy books que nous avons choisis ont été publiés séparément de 1870 à 1874. Cette réédition

permettra de réunir pour la première fois en un seul volume deux contes de Perrault et Les Trois Ours, qui est

un conte d’origine écossaise. Les textes ont bénéficié d’une adaptation de François Fièvre. Nous souhaitons ainsi

faire découvrir ou redécouvrir en France, un siècle après sa disparition, ce pionnier aussi bien dans le domaine

du dessin que de la mise en pages du livre illustré, qui proposa le premier un livre moderne aux enfants de la

fin du XIXe siècle.

J.-H. MALINEAU